Le Laboratoire sort de terre

Le 17 mai 1954, le premier coup de pioche pour la construction du Laboratoire européen de physique des particules est donné sur le site de Meyrin, à Genève, sous les yeux des fonctionnaires genevois et des membres du personnel du CERN. (Image : CERN)

La ville de Genève est choisie comme site du laboratoire du CERN lors de la troisième session du Conseil provisoire, en 1952. La position centrale de Genève en Europe, la neutralité de la Suisse pendant la guerre et le fait qu’elle accueillait déjà des organisations internationales ont joué un rôle déterminant.

La construction du Laboratoire démarre en 1954. En attendant leurs locaux, les premiers Cernois s’installent à l’Institut de physique de Genève et dans un bâtiment et des baraques près de l’aéroport. Le groupe de théorie, quant à lui, est fondé en 1952 autour du prix Nobel de physique Niels Bohr à l’Institut de physique théorique de Copenhague. Il rejoint Genève en 1957.

Deux projets d’accélérateurs sont lancés en parallèle : un accélérateur novateur d’une puissance inégalée, le Synchrotron à protons (PS), et, en attendant sa mise en service, une machine plus classique, le Synchrocyclotron (SC). Le SC, construit en trois ans seulement, entre en service en 1957, permettant aux physiciens de démarrer rapidement les premières expériences du CERN.

Recollections

Nous nous sommes tous retrouvés en 1954 dans des baraques à l’aéroport de Genève. Nous étions peut-être 150 […] et de toutes les nationalités. Nous avons vite appris à travailler ensemble en nous exprimant dans un mauvais anglais.

Franco Bonaudi
Synchrocyclotron building in November 1955, during its construction. (Image: CERN)
Le bâtiment du Synchrocyclotron en novembre 1955, pendant sa construction. (Image : CERN)

Franco Bonaudi fut parmi les premiers membres du CERN, embarqué dans l’aventure avant même que l’Organisation ne soit fondée. Chargé de la coordination du projet du premier accélérateur, le Synchrocyclotron (SC), il en supervisa le chantier. Il participa par la suite à la construction et au fonctionnement de nombreux accélérateurs du CERN, devenant également Directeur des accélérateurs de 1976 à 1978.

« En 1951, j’étais à l’École polytechnique de Turin lorsque Edoardo Amaldi, l’un des fondateurs du CERN, a lancé un appel auprès des professeurs pour savoir si de jeunes scientifiques seraient volontaires pour participer à la construction d’un laboratoire en physique des particules. Je suis allé à Rome rencontrer Giuseppe Fidecaro, le bras droit d’Amaldi. C’est là que j’ai appris qu’il s’agissait de construire un Synchrocyclotron. J’ai accepté et je suis parti à Liverpool pour participer aux études.

Pendant deux ans, nous avons travaillé dans divers instituts d’Europe sans même savoir où la machine serait construite. Nous nous sommes tous retrouvés en 1954 dans des baraques à l’aéroport de Genève. Nous étions peut-être 150 dans le Laboratoire à ce moment et de toutes les nationalités. Nous avons vite appris à travailler ensemble en nous exprimant dans un mauvais anglais. Nous nous sentions un peu isolés dans la région. Aussi nous étions très soudés entre nous et je me souviens que l’annuaire téléphonique du CERN contenait les téléphones privés. Nous avons construit de véritables amitiés.

Une bobine du Synchrocyclotron est transportée à travers le village de Meyrin en mai 1956. (Image : CERN)

Je suis le premier à m’être installé sur le site du Laboratoire avec mon collègue Joop Vermeulen. Nous avons monté une baraque vitrée au beau milieu du chantier et nous sommes restés là pendant deux ans. Ce cyclotron a été construit en l’espace de trois ans seulement, c’était formidable. Nous avions un enthousiasme énorme et nous devions souvent être inventifs. Je me souviens par exemple que le premier hiver dans les locaux du SC, nous n’avions pas de chauffage. Des résistances de tramways de Genève en fonte nous ont été prêtées. Ce chauffage électrique improvisé nous a permis de rester au chaud tout l’hiver. Des anecdotes comme celle-là, il y en a des douzaines. »

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Cet entretien est adapté du livre « Infiniment CERN » publié en 2004 à l’occasion du 50e anniversaire du CERN. Franco Bonaudi est décédé en 2008 à l’âge de 80 ans. Pour en savoir plus, lisez cet article du CERN Courier qui lui est consacré (en anglais).

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