
La ville de Genève est choisie comme site du laboratoire du CERN lors de la troisième session du Conseil provisoire, en 1952. La position centrale de Genève en Europe, la neutralitĂ© de la Suisse pendant la guerre et le fait qu’elle accueillait dĂ©jĂ des organisations internationales ont jouĂ© un rĂ´le dĂ©terminant.
La construction du Laboratoire démarre en 1954. En attendant leurs locaux, les premiers Cernois s’installent à l’Institut de physique de Genève et dans un bâtiment et des baraques près de l’aéroport. Le groupe de théorie, quant à lui, est fondé en 1952 autour du prix Nobel de physique Niels Bohr à l’Institut de physique théorique de Copenhague. Il rejoint Genève en 1957.
Deux projets d’accĂ©lĂ©rateurs sont lancĂ©s en parallèle : un accĂ©lĂ©rateur novateur d’une puissance inĂ©galĂ©e, le Synchrotron Ă protons (PS), et, en attendant sa mise en service, une machine plus classique, le Synchrocyclotron (SC). Le SC, construit en trois ans seulement, entre en service en 1957, permettant aux physiciens de dĂ©marrer rapidement les premières expĂ©riences du CERN.
Recollections
Nous nous sommes tous retrouvĂ©s en 1954 dans des baraques Ă l’aĂ©roport de Genève. Nous Ă©tions peut-ĂŞtre 150 […] et de toutes les nationalitĂ©s. Nous avons vite appris Ă travailler ensemble en nous exprimant dans un mauvais anglais.
Franco Bonaudi

Franco Bonaudi fut parmi les premiers membres du CERN, embarquĂ© dans l’aventure avant mĂŞme que l’Organisation ne soit fondĂ©e. ChargĂ© de la coordination du projet du premier accĂ©lĂ©rateur, le Synchrocyclotron (SC), il en supervisa le chantier. Il participa par la suite Ă la construction et au fonctionnement de nombreux accĂ©lĂ©rateurs du CERN, devenant Ă©galement Directeur des accĂ©lĂ©rateurs de 1976 Ă 1978.
« En 1951, j’Ă©tais Ă l’École polytechnique de Turin lorsque Edoardo Amaldi, l’un des fondateurs du CERN, a lancĂ© un appel auprès des professeurs pour savoir si de jeunes scientifiques seraient volontaires pour participer Ă la construction d’un laboratoire en physique des particules. Je suis allĂ© Ă Rome rencontrer Giuseppe Fidecaro, le bras droit d’Amaldi. C’est lĂ que j’ai appris qu’il s’agissait de construire un Synchrocyclotron. J’ai acceptĂ© et je suis parti Ă Liverpool pour participer aux Ă©tudes.
Pendant deux ans, nous avons travaillĂ© dans divers instituts d’Europe sans mĂŞme savoir oĂą la machine serait construite. Nous nous sommes tous retrouvĂ©s en 1954 dans des baraques Ă l’aĂ©roport de Genève. Nous Ă©tions peut-ĂŞtre 150 dans le Laboratoire Ă ce moment et de toutes les nationalitĂ©s. Nous avons vite appris Ă travailler ensemble en nous exprimant dans un mauvais anglais. Nous nous sentions un peu isolĂ©s dans la rĂ©gion. Aussi nous Ă©tions très soudĂ©s entre nous et je me souviens que l’annuaire tĂ©lĂ©phonique du CERN contenait les tĂ©lĂ©phones privĂ©s. Nous avons construit de vĂ©ritables amitiĂ©s.

Je suis le premier Ă m’ĂŞtre installĂ© sur le site du Laboratoire avec mon collègue Joop Vermeulen. Nous avons montĂ© une baraque vitrĂ©e au beau milieu du chantier et nous sommes restĂ©s lĂ pendant deux ans. Ce cyclotron a Ă©tĂ© construit en l’espace de trois ans seulement, c’Ă©tait formidable. Nous avions un enthousiasme Ă©norme et nous devions souvent ĂŞtre inventifs. Je me souviens par exemple que le premier hiver dans les locaux du SC, nous n’avions pas de chauffage. Des rĂ©sistances de tramways de Genève en fonte nous ont Ă©tĂ© prĂŞtĂ©es. Ce chauffage Ă©lectrique improvisĂ© nous a permis de rester au chaud tout l’hiver. Des anecdotes comme celle-lĂ , il y en a des douzaines. »
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Cet entretien est adaptĂ© du livre « Infiniment CERN » publiĂ© en 2004 Ă l’occasion du 50e anniversaire du CERN. Franco Bonaudi est dĂ©cĂ©dĂ© en 2008 Ă l’âge de 80 ans. Pour en savoir plus, lisez cet article du CERN Courier qui lui est consacrĂ© (en anglais).