En 1957, le personnel du CERN emménage dans les nouveaux bâtiments du site de Meyrin, à Genève, et les salles s’emplissent rapidement d’équipements destinés au Synchrotron à protons (PS).
Fin juillet 1959, l’assemblage du PS – l’accélérateur fait plus de 600 mètres de circonférence ! – est terminé et, le 16 septembre, le premier faisceau circule. Le 24 novembre 1959, le PS accélère pour la première fois des protons à son énergie nominale de 24 gigaélectronvolts (GeV).
La machine est basée sur un nouveau concept révolutionnaire développé au Laboratoire national de Brookhaven, aux États-Unis, qui permet, pour le même budget, d’atteindre une énergie des particules nettement plus élevée qu’avec un synchrotron traditionnel. Le tout jeune CERN démontre ainsi qu’il est capable de traduire un nouveau concept dans la réalité.
Aujourd’hui encore, 65 ans plus tard, le PS est le cœur de la chaîne d’accélérateurs du CERN. Et si la machine a bien sûr connu de nombreuses phases d’améliorations, sa structure fondamentale est restée inchangée.
Témoignage
Des physiciens d’une douzaine de pays d’Europe allaient travailler ensemble à la construction puis à l’utilisation de cette machine quasiment incroyable, qui repoussait les limites de la technologie.
Günther Plass
Günther Plass intègre en 1956 l’équipe du Synchrotron à protons (PS), sur lequel il travaillera pendant 25 ans. Dans les années 80, il devient chef adjoint du projet de Grand collisionneur électron-positon (LEP), avant de devenir Directeur des accélérateurs du CERN.
« Pour moi, c’est un véritable rêve qui débuta à l’automne 1954, lors de la réunion annuelle de la Société allemande de physique. Au cours de cette réunion, un Werner Heisenberg enthousiaste nous parla des discussions qui s’étaient récemment tenues autour du CERN, un laboratoire européen de physique fondamentale qui venait d’être fondé à Genève. Entreprise européenne pionnière, ce nouveau laboratoire devait construire un accélérateur de particules d’une circonférence de plusieurs centaines de mètres, un géant comparé aux cyclotrons de l’époque. Des physiciens d’une douzaine de pays d’Europe allaient travailler ensemble à la construction puis à l’utilisation de cette machine quasiment incroyable, qui repoussait les limites de la technologie.
Je ne fus certainement pas le seul à être impressionné par ce compte-rendu. Je nourrissais cependant l’espoir que ma connaissance moyenne des langues puisse m’aider un jour à participer à cette aventure. En 1950, j’avais suivi un cours de langue française de plusieurs semaines à Dijon, en France, et j’avais passé quelque temps en 1951 à ramasser des pommes de terre avec d’autres étudiants de plusieurs pays près de Hull, au Royaume-Uni.
Un an et demi environ après la présentation de Heisenberg, j’appris que ma spécialité [les aimants] était recherchée pour le projet du CERN. Je me précipitai donc pour envoyer ma candidature et, à ma grande surprise, un poste me fut proposé. C’est ainsi que le 18 juin 1956, je me présentai au secrétariat de la division PS à l’Institut de physique de Genève. On m’envoya rejoindre mes futurs collègues dans la salle de conférences où se déroulait un symposium sur les accélérateurs à haute énergie et la physique des mésons Pi. Je débutai donc ma carrière en écoutant parler de pions, de muons et autres particules étranges – dans quel nouveau monde mystérieux étais-je arrivé ! »
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Cet entretien est adapté du livre « Infiniment CERN » publié en 2004 à l’occasion du 50e anniversaire du CERN. Günther Plass est décédé en 2020 à l’âge de 90 ans.